Écrire un blog est une activité bien de son temps. Elle est tout empreinte du productivisme forcené qui agite nos existences d’un bout à l’autre de notre souffle.
Le vide, le non-faire est là qui inquiète et déçoit. Qui a son odeur d’impuissance et d’échec. Je constate, jour et nuit, sur cet écran où progressent si peu les lettres des mots que je souhaite, combien mes compagnons de tâche sont ardents à leur ponte quotidienne et combien je suis moi-même, dans mon rôle de fidèle et d’aficionado d’untel ou de l’autre, déçu si par accident, leurs billets viennent à manquer.
Pourtant nos jours sont faits de beaucoup de vide. Les blocages, les vacances de la pensée (qui ne sont, hélas, précisément pas des vacances), sont d’un ordinaire plus courant que les ruts prolifiques. C’est alors, souvent, à contre cœur mais avec soulagement qu’on en vient aux bavardages et aux commentaires du commentaire. Autant dire à la longue cohorte du bruit qui nous égarent et que naissent ces mots qui nous font tomber un peu plus profondément dans ce vide qui déjà, et depuis trop d’heures, de jours, voire pire, nous abasourdit.
Certain d’entre nous, toutefois, des hommes rares, aux ressources hors du commun, Borges par exemple, sont alors capables de phrases de résurrection, comme celles-ci, écrites en 1939 tandis qu’il s’efforçait de remplir les colonnes d’une revue aux vastes espaces: « Un lecteur de Cordoba s’intéresse aux origines de l’écrivain anglais Hilaire Belloc. Belloc est né à La Celle, non loin de Paris ; il est le fils d’une Anglaise, Bessie Rayner Parkes, et de Louis Swanton Belloc, un avocat français fort distingué. » (In Article non recueillis, revue El Hogar.)
Bien sûr, et c’est là toute l’affaire, Borges est Borges, si bien qu’à son contact, le rien finit par devenir quelque chose. Un Hilaire Belloc. Un fils, un anglais écrivain. Qui sait, une existence réelle. Ou son ombre à peine fœtale projetée dans le devenir. Filament d’un imaginaire (ce minimum de vie pensante et à l’état brut — non arrivée à la parole mais capable, au besoin d’y arriver —, disait Arthaud). Une opalescence dans le liquide amniotique dont se nourriront, peut-être, des mots à venir qui ne seraient pas du vent.
Ne cherchons pas, Hilaire Belloc exista. Il écrivit sur Danton, Robespierre et Richelieux, ainsi qu’un « Livre des bêtes pour les enfants méchants », ainsi que « Mathilda, horrible petite menteuse. ». Avant de mourir en 1953, il écrivit : « Quand une œuvre est réussie, le fait est que ce n’est pas simplement un homme qui en est l’auteur, mais un homme inspiré. »