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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 10:33
Le cap Pasado va en jolies courbes dans le port d'Anvers. Sur la carte satellite le tracé est des plus dansant. Des plus lents aussi. Il est 11 heures passées et il n'a toujours pas atteint le quai où je dois le rejoindre:  DP World, Delwaide Dock 742. Voilà qui donne un avant goût de rythme des choses à venir.
 
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L'Elmore Leonard est aussi bon que prévu, avec une tendresse en plus, inattendue, elle envers les personnages. Qui explique peut-être la mécanique: un roman qui lie personnages, références et histoires venus d'autres romans, parfois lointains (comme Maximum Bob qui doit avoir une vingtaine d'année)? Ce genre de roman qui naît de l'insuffisance d'une histoire. Leurs mots et l'incertitude dont il sont la chair n'en fini pas de vivre. Le monde qu'ils ont créé demeure et réclame une liberté que l'on ne leur pas encore offerte.
Chez Giono, cela a donné un texte éblouissant et vertigineux, un vrai vertige d'Almanach: Noé

Et donc maintenant, on va voir ce que le capitaine dit des connexions futurs.
Une seule certitude, le monde est de guinguois depuis si longtemps: il n'y aura pas de Capitainesse à charmer. On n'est pas à Hollywood (bis).
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10 février 2010 3 10 /02 /février /2010 18:41
IMG 1231Le Cap Pasado a repris sa danse lente. Il a quitté l’Elbe ce matin et se mêle depuis au douze ou treize milles navires qui arpentent en ce moment le « rail » depuis l’Atlantique jusqu’à la Mer du Nord, où vice et Versace, comme en certains lieux.

Une approche qu’on dirait un peu réticente, il ne vient pas à Anvers directement, passe du côté de Rotterdam.

Mon embarquement est programmé. Demain, le 11, entre 14 et 15 heures.

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Ce matin Anvers sous la neige et la glace. Au sens très exact.

Aucun maire Français ne survivrait aux prochaines élections s’il laissait les rues de sa cité en cet état. Magnifique spectacle cependant de cyclistes équilibristes. En voiture, à pied et en deux roues, tout le monde tient debout. Pourtant, on ne devrait pas. Même les automobilistes savent mesurer leurs glissades pour caresser les jambes et les pare-chocs. Les trottoirs sont impraticables et engendrent des contorsions lentes, prudentes, quoique syncopées à l’occasion, ainsi qu’un petit solo dérythmé dans le grand ballet commun. Rues humaines, plus molles, magasins plus vides. Un côté vaste sortie d’école. Impossible de ne pas songer aux peintures de glissades et cassages de gueules carnavalesques de Breughel.

De toute façon, Anvers est une bien belle ville, un gros bouillon de mélange, des visages, des corps, des langues, des nourritures venus de partout mais où on fait semblant de ne parler que le Flamand et rien que le Flamand pour apaiser le monstre de bêtise politique.

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À propos des voyageurs immobiles, il en est un qui fut virtuose : Giono. À part des marches d’illuminés dans la montagne au-dessus de Manosque, il n’est jamais allé loin. Il n’atteint Marseille que parce qu’on l’y mettait en prison. Ce qui lui donna l’occasion d’écrire un de ses plus fabuleux textes : Fragment d’un Paradis.
 IMG_1230.JPG

Question voyages, ses personnages en font plus souvent que lui. On  peut dire qu’ils n’arrêtent pas de bouger. Angelo plus loin que les autres bien sûr, puisqu’il devait en remontrer à ce grand vadrouilleur de Stendhal.
Le plus beau morceau de bravoure de Giono, dans la catégorie voyage dans ma chambre, demeure son « Voyage en Italie ». Un texte qui veut ressembler à un guide et qui nous conduirait de Manosque jusqu’en Italie. Une balade en 4CV par les petites routes des Alpes. Sauf que rien n’y est « vrai ». Pas une route, pas une distance, pas un paysage. Les noms des villages eux-mêmes ne sont pas à leur place. Une carte Michelin devenue folle. On imagine la tête des lecteurs qui tentèrent l’aventure du réalisme. Quelques Américain(e)s, bien intentionné(e)s en ont tiré des thèses amusantes et subtiles.

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Giono était un immense menteur. Il adorait nous en boucher un coin, en mettre plein la vue. L’outillage de base consistait à confondre mensonge et fiction, vérité des faits et des sentiments. Un homme de pure production de mots, d’enchantement et de violence de mots qui dressent devant les jours ordinaires une réalité qui naît avec lui et nous qui le lisons. Un homme qui agrandit le monde avec la littérature.
On se demande bien pourquoi il serait allé, en plus des glissades sur rame de papier, voyager plus loin que sa table ?

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9 février 2010 2 09 /02 /février /2010 14:22
"C'est l'imagination qui m'a formé. Pour voyager, elle m'a toujours pris par la main."

 Pessoa écrit ça dans "Fragment d'un voyage immobile". Questions voyages, il en connaissait un rayon, lui qui ne se déplaçait qu'entre ses pseudosCAP_PASADC.jpg,  sa table et son café. Mais je m'y retrouve, mot pour mot, moi qui ai toujours besoin d'aller voir ailleurs si j'y suis.

Le fait est que ce voyage, comme tous les autres, est d'abord immobile. À cette heure, un peu moins d'une cinquantaine avant le départ, le Cap Pasado est dans le port de Hambourg (Môle du Parkafen), occuper à se charger d'un peu de tout ( peut-être d'un ou deux compagnons de route). Ce soir, il reprend la mer vers Anvers et moi aussi. Quarante minutes de train pour moi, le reste pour lui. Nous allons nous rapprocher dans un lent et inégal ballet, un peu comme ces couples qui se jaugent depuis trop longtemps d'un bout à l'autre d'une salle de danse et, au bout du compte, en viennent à se dire qu'il faudrait y aller.Où ça, il seraient bien en peine de le savoir. mais dans un bout de chemin peut-être.
Rien de plus inégal que ces élans-là. Il y en a toujours un qui fait plus de route que l'autre (rarement gratis, cependant). 
Seuls les films de Hollywood/Bollywood font croire que les vies mouvantes se rencontrent au centre de la cible.

À propos de drague: lecture de départ: "Road Dogs" d'Elmore Leonard.
Qu'on se le dise: Elmore est l'un des vrais et rares tragédiens des temps d'aujourd'hui. Ce bouquin-là reprend le personnage principal de Out Of Sight (Jack Foley), qui contenait l'une des plus belles scènes de drague (dans un coffre de voiture, entre une femme flic et le dit Foley s'évadant de prison) que j'ai lue.
 L'art de Leonard consiste à écrire des crimes qui sont autant d'approches de l'amour, sans jamais encrasser les choses d'une once de sentimentalisme. Des amours qui sont des révélations et que la durée détruit en les plongeant dans l'acide du réel. Elles sont le fatum des personnages, leurs moments de vérité, après lequel le temps ne peut passer qu'en engendrant de l'impossible. Non par usure et banalité, mais parce que ce qui, avant, était chaos et espace de création possible de la rencontre ( la scène du crime!) devient le lent retour à la Loi, exactement comme dans la mécanique grecque du divin… où les héros, en général, deviennent fous dès lors qu'ils en prennent conscience!

 Pour une raison que j'ignore, l'habitude m'est venue depuis des années de lire un Elmore alors que je commence à voyager (c'est faisable: il en a écrit des dizaines et considère que mettre plus six mois à écrire un bouquin est le signe qu'on devrait changer de métier). Ces romans sont, pour moi, un intense ailleurs. Le parfait voyage immobile.
Je me souviens que traversant le Pays de Galles seul en voiture, j'ai cru un soir avoir égaré "mon" Elmore. S'en suivit une panique de deux heures, durant laquelle je ne savais plus quoi faire de moi-même. Mon voyage n'avait plus aucun sens, se réduisait à un sordide déplacement que j'allais poursuivre en aveugle.
 Bon, le bouquin avait glissé sous le siège.
 
Dans son plus mauvais livre,(Ten Rules of Writing), qui ressemble à long sachet de suppositoires, Elmore conseil de ne jamais commencer un roman par une scène ou même une indication concernant le climat. J'ai plus ou moins toujours fait le contraire (ce qui ne m'a pas rapporté gros, il faut en convenir).
Je soupçonne là, chez lui, une de ces obsessions propres aux voyageurs immobiles. Pas la peine de lever les yeux au ciel. On sait bien qu'il est à terre.


PS: Là commence l'incertitude des connexions. Aucune idée si je vais pouvoir continuer ce blog aussitôt que commencer, ni sous quel rythme. Mais un peu d'incertitude ne nuit pas. 
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8 février 2010 1 08 /02 /février /2010 21:56
Ship-Photo-CAP-PASADO-1.jpg Le bateau s'appelle MN Cap Pasado. Il fait la navette entre Tilbury, en Angleterre et Valparaiso, Chili. Il transporte de tout, dès lors que c'est en container. Et il transporte aussi quelques passagers. Quatre, au maximum, on dirait. Dont moi, à partir d'Anvers, ce prochain jeudi, dans la cabine 407.
Une bonne cabine, à ce que l'on m'a dit à l'agence: son (ses?)hublot(s) ne risquent pas d'être masqué(s) par les containers.
Pour le reste en bref: longueur du bateau, 220m, largeur: 29.50 (important le Canal de Panama, que nous allons suivre à la fin du mois en fait 30). L'équipage est Philippins, le drapeau d'Antigua, l'affréteur Allemand ainsi, probablement, que les officiers. La langue du bord sera sans surprise anglaise, et sans autre surprise la monnaie sera US $.
La durée prévue de l'escapade  est d'une cinquantaine de jours. Le temps de songer à différentes choses, d'en voir beaucoup d'autres, et, si tout va bien, de s'en aller faire un tour dans l'écriture d'un roman, la suite de "l'Almanach des Vertiges I" qui sera donc "L'Almanach des Vertiges II".
Pour ainsi dire, deux voyages pour le prix d'un. 

Comme dit tout net le bon compère Claro (dont on ne recommandera jamais assez le Blog : http://towardgrace.blogspot.com/):" écrire, c'est disparaître aussi".
Donc acte et essai de mise en œuvre.


Le monde moderne ayant des magies involontaires, je sais dès maintenant que le Cap Pasado n'est, à cette heure exacte, une quarantaine d e minutes avant minuit, plus très loin de Hambourg (Il a quitté Tilbury hier soir vers dix-huit heures). On peut agréablement le suivre parmi les milliers de cargos flottant de-ci de-là, sur ce site merveilleux : http://www.marinetraffic.com/ais/fr/default.aspx?zoom=10&mmsi=305346000&centerx=0.4154567&centery=51.44927#. 
Sur la carte, il est amusant de voir les bateaux représentés comme des plumes (à écrire) sergent major: verte pour les affaires de choses, bleues pour les affaires d'humains, rouge pour celle du pétrole ou du gaz, jaune citron pour les machines de vitesse, etc (les yachts sont d'un beau mauve qui rappelle l'épiscopat)…


Que vais-je faire dans cette galère?
Rêver autour de la solitude très ordinaire des hommes de soute qui font de la globalisation des matières et des objets notre petit univers ordinaire, lui aussi.
Rêver aussi autour du radeau de la Méduse, surtout celui de l'ami Géricault.
Une histoire de métaphore, une histoire de fiction et de vérité. Une histoire de roman.
Les vikings ne sont plus les maîtres des mers depuis longtemps. Il faut s'y faire.
 
 
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